Le leadership c'est ce qui se passe quand vous n'êtes pas là !

Je me souviens d’un dialogue avec un dirigeant participant il y a quelques années à un séminaire sur le management qui ressemblait à peu près à ceci :
« Je n’ai pas choisi d’être là… »
« J’ai bien d’autres choses à faire que d’être ici pendant quatre jours à perdre mon temps sur ce qui n’est pas essentiel… »
« Je manage des équipes depuis vingt ans, si j’avais des problèmes je le saurais depuis longtemps… »
« Voilà bien des préoccupations de DRH… »

Plus récemment en mission dans un centre de recherche avec un scientifique de haut niveau responsable d’un laboratoire d’une quinzaine de personnes, le dialogue allait être quasiment le même : « je n’ai pas de temps à perdre à réfléchir sur le management, ce n’est pas mon métier, je n’ai pas été formé pour ça, ce qui est essentiel c’est ce qu’on fait, ce qu’on produit, il faut que je trouve et que l’on me publie… »

Ou encore avec ce directeur général à qui je rappelais, non sans mal et sans être sûr d’être bien entendu et compris, que l’essence même de son job c’est de gérer l’enjeu humain lié aux profondes mutations du monde, à sa stratégie business, à l’évolution de ses métiers, à la transformation de son organisation et aux changements induits à faire accepter.

Certains pensent encore que le management c’est ce que l’on peut faire après, quand on a le temps, quelque chose qui est à la marge de l’essentiel ou que le sens des hommes c’est inné et que cela ne s’apprend pas.

Pourtant on ne nait pas manager, on le devient dans la confrontation lente, longue et régulière avec la dynamique humaine et son train de questions sans réponses, de doutes, de tâtonnements, de crises, lot de toute personne en situation d’encadrement donc d’influence sur d’autres.

A ce jeu là, il faut vraiment se convaincre que l’on n’a jamais fini d’apprendre et de découvrir.

Là où l’immédiat et la pression d’enjeu de toute nature envahissent l’espace quotidien et perturbent les relations humaines, le management devrait prendre tout son sens pour donner les règles du jeu, créer du confort, susciter la créativité, construire des liens et ouvrir la parole y compris celle qui dérange.

Force est de constater que ça ne va pas de soi, on n’a jamais autant parlé de souffrance au travail, de stress, de mal être, de burn-out etc.

Pour compléter l’analyse, dans un tout autre contexte j’ai eu l’opportunité de rencontrer un commandant de ces remorqueurs de haute mer qui croisent au large de la Bretagne dans les mers les plus dures pour assurer la sécurité des côtes.

Dans la tempête, douze hommes d’équipage risquent leur vie pour en sauver d’autres et éviter des désastres écologiques.

On peut se dire qu’aucun contrat salarié de peut justifier un tel engagement. Rien ne les obligent à prendre ces risques, pas plus l’espoir d’une prime ou d’une gloire médiatique.

Leur réussite c’est d’ailleurs quand il ne se passe rien !

Alors pourquoi sont-ils là ?

Sur ces bateaux il n’y a ni héros, ni surhomme, ni surdoué.

Juste des hommes tous différents qui se prennent pour ce qu’ils sont. Ils sont aussi capables de faiblesse, de faillir, de douter mais aussi de se surpasser et de faire des choses incroyables auxquelles ils n’auraient jamais pensé.

Il y a un équipage autour d’un leader que ces hommes connaissent par cœur et que lui connaît aussi par cœur.

Tous ces hommes ont un job à boucler simplement ensemble.

Il est alors question de comportements et d’attitudes, de complicité, de confiance en soi et dans les autres, de lucidité, d’authenticité, de parler vrai, de partage de sens, de fierté aussi.

Ces hommes forment en quelque sorte une communauté de destin où chacun contribue au delà de ses attributions, de ses expertises et de sa personnalité.

Comment ces personnes singulières, souvent solitaires, différentes, aux caractères bien trempés peuvent elles produire autant d’efforts coordonnés et de réussite modeste ?

Le commandant de ce navire répond à cela que ça marche parce que chacun de ces hommes sait parfaitement ce qu’il doit faire. La mission est claire, le cadre et les règles du jeu aussi et les fautes ou erreurs sont immédiatement sanctionnées dans la lourdeur des conséquences.

Avant chaque manœuvre particulièrement délicate et risquée, tout est passé en revue, partagé, discuté, clarifié et si un seul n’est pas d’accord ou n’a pas compris on revoit alors tout le dispositif ensemble. Et après tout est analysé ensemble pour en tirer les enseignements pour la suite dans une boucle d'apprentissage permanente.

Chacun sait dans sa conscience intime qu’il est dans une équipe et que le succès de l’ensemble de l’opération dépend de tous les petits succès individuels, la réussite d’une chaîne ne dépend-elle pas de la solidité de son maillon le plus faible ?

Il ajoute qu’un commandant qui manquerait de sang froid, de stabilité émotionnelle, de patience, d’humilité, au génie infaillible serait un commandant fragile voire dangereux susceptible d’être déstabilisé dans l’épreuve.

Il lui a fallu du temps et des épreuves pour acquérir cette maturité et supporter cette solitude particulière et parfois pesante dans sa passerelle où tout peut s’enchainer rapidement et où il doit savoir réagir juste dans la seconde. Il sait aussi comment chacun peut se comporter dans l’imprévu.

Interrogé sur l’équipage idéal, il répond : « c’est celui que l’on me donne, celui qui monte à bord, celui qui me fait confiance et que je vais apprendre à connaître pour solliciter au mieux ses talents ». Il n’en a jamais changé.

N’est-ce pas une belle leçon de leadership à méditer ?

Et vous, connaissez vous vos talents ?

Ne les confondez vous pas avec vos compétences ?

Le savoir s’apprend, le savoir-faire s’acquiert, il faut juste du temps, de l’intelligence et de la pédagogie autour d’un maître.

Les talents sont d’un autre ordre, on les possède mais on ne sait pas exactement lesquels. Ils ne s’apprennent pas, ils ne se transmettent pas, certains sont révélés d’autres non, ils sont liés à la personne et sont indépendants de la fonction occupée, dans une combinaison originale qui appartient à chacun.

Albert Einstein disait je crois que chaque être humain est un génie, mais si l’on juge un poisson sur sa capacité à grimper aux arbres, il passera sa vie à croire qu’il est stupide. Ce que sait bien par exemple le coach sportif qui ne mettra pas un marathonien à courir le cent mètres.

Pourtant combien de fois ignore-t-on les talents, combien de fois les missions confiées sont sans rapport avec eux.

C’est alors bien la qualité du management qui peut donner des opportunités, prendre des risques pour oser sortir des lignes tracées, ouvrir d’autres perspectives, confier des missions ou responsabilités en dehors des champs classiques de la compétence.

Dès lors que vous êtes en situation d’influence sur d’autres personnes, manager n’est pas une tâche annexe ou secondaire, c’est une activité centrale et votre responsabilité est avant tout humaine.

C’est vous qui créez les conditions qui vont permettre de faire émerger la motivation, c’est vous qui allez donner du sens au voyage, lui-même plus important que la destination.

De bonnes questions à se poser devraient être : « Que devrais-je faire pour aider mon équipe à se développer ? de quoi a-t-elle besoin ? Est-ce que je connais suffisamment bien les compétences mais aussi les talents de chacun ?

Le leader entraîne, fait rêver, prend des risques personnels pour montrer la voie, accompagne, soutient et autorise pour que le goût du risque l’emporte sur l’instinct de survie.

Il exporte de l’enthousiasme, de l’énergie et importe le stress, l’inverse hélas ne devrait pas être possible et dans ce cas cela s’appelle de la manipulation.

Il lève la pression d’enjeu et donne la passion du jeu.

La motivation des hommes, qui ne se décrète pas mais s’obtient, c’est peut-être finalement le seul vrai patrimoine que vous avez à gérer et faire fructifier.

Manager ce n’est pas gérer des problèmes mais plutôt animer et soutenir des hommes qui ont des problèmes.

C’est aussi et peut être surtout aimer les hommes que l’on dirige car pour les mobiliser il faut vraiment s’intéresser à eux et ça ne se délègue pas.

Qui sont-ils pour vous ?

Qu’est-ce qui caractérise leur motivation ? le plaisir de jouer, de s’engager, de créer, de gagner ou la peur du reproche et de perdre ?

Pour conclure, faites ce test tout simple que j’avais effectué devant les principaux leaders du Groupe PPR à l’époque, certains s’en souviennent encore…

Connaissez vous la couleur des yeux de ceux avec qui vous travaillez quotidiennement ?

Alors quel est votre score ?

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