Dessine moi une Politique RH...

J’ai souvent été surpris par cette question posée par des dirigeants de grandes organisations voire d’entreprises du CAC 40 : « une politique Ressources Humaines, c’est quoi ? » .

C’est une réalité peu connue mais le terme « ressources humaines » quand il n'est pas un terme sans valeur, est encore trop souvent un concept « valise », on ne sait pas trop ce qu’il y a dedans.

Parfois on se demande même ce que peut bien faire un DRH au quotidien, il coute cher et ne produit pas grand chose, je l’ai expérimenté.

Le texte qui suit, résume les échanges avec des patrons et des équipes dirigeantes au cours des dernières années afin de les aider à réfléchir sur comment agir pour préserver, enrichir et déployer le capital humain de leur entreprise.

En Ressources Humaines, il n’y a pas de modèle, chaque milieu de travail est unique, il y a ce que l’on est capable de faire à un moment donné selon les spécificités culturelles de chaque entreprise, les caractéristiques des métiers, avec le soutien de son dirigeant, l’adhésion des équipes, le climat social, le temps, l’énergie, la disponibilité, les moyens et le budget dont on dispose.

Instaurer une politique Ressources Humaines signifie la volonté de transformer l’enjeu humain en atout stratégique et suppose la mise en place d’une direction globale impliquant de multiples programmes ou activités dont les effets conjugués auront une incidence pérenne et mesurable sur la performance de l’entreprise aussi bien dans les temps courts que dans les temps longs. Rien ne peut se faire sans les hommes et contrairement à cette idée reçue, on ne les motive pas, ce sont eux qui se motivent.

La question du rattachement de cette direction au dirigeant de premier rang se pose très souvent. Il n’est pas rare de voir la DRH rattachée à un membre du directoire, un secrétariat général voire à une direction financière ce qui ne peut qu'orienter à terme la politique concernée vers une gestion des ressources en flux et stock. Se pose aussi le sujet de l’appartenance à l’instance dirigeante COMEX/CODIR.

Le rattachement au président ou au directeur général et l’intégration au COMEX/CODIR sont des marqueurs nécessaires de la légitimité de la fonction, exprimant une certaine volonté du patron d’y consacrer la réflexion, l’énergie, le temps nécessaire et accessoirement le budget, tout en n’étant pas suffisants, bien entendu, pour asseoir la crédibilité du DRH.

Cette crédibilité s’acquiert à travers la réelle complicité construite avec son dirigeant, sa posture personnelle, son propre comportement guidé par des valeurs fortes, le courage d’exprimer ses convictions et sa capacité à agir de manière déterminée.

Une politique Ressources Humaines se développe dans un agenda qui n’est pas celui de l’approche financière dans un horizon limité. Le temps humain est lent et long, il nécessite des réflexions en profondeur sur ce qu’est le vrai projet de l’entreprise, la manière de l’incarner au plus haut niveau et de le diffuser dans l’ensemble de l’organisation.

La politique Ressources Humaines porte les enjeux de changement et de transition nécessaire permettant à l’entreprise de disposer en permanence des compétences et des talents nécessaires à son fonctionnement, d’anticiper et de réguler les adaptations nécessaires dans un contexte incertain en garantissant la paix sociale et en préservant sa marque employeur.

J’ai pu constater que l’on parle souvent de politique Ressources Humaines sans pouvoir toujours disposer clairement d’un document référent.

Quand ce document existe, ce devrait être un énoncé clair des principes, valeurs, normes qui vont réguler le fonctionnement des membres de l’entreprise : dirigeants, managers et salariés. Elle devrait définir ainsi une série de procédures pour indiquer comment mettre en œuvre ces principes de manière constante, comment les porter et les défendre, comment les évaluer et les sanctionner.

Elle devrait comprendre une vision de ce qu’est l’enjeu humain, préciser les modalités de gestion des hommes, les programmes d’action assortis des outils et procédures pour les mener à bien avec le reporting et des dispositifs logistiques correspondants :

Une vision :
  • Quelles sont les valeurs partagées au sein de l’entreprise ?
  • Quels comportements et attitudes attendus ?
  • Quelle approche pour le développement des personnes ?
  • Quels principes de mobilité ?
  • Quelles opportunités de carrière ?
  • Quel environnement de travail ?
  • Quels types de profils à intégrer, à développer, à construire ?
  • Quelle responsabilité sociale ?
  • Quelle éthique ?
Des programmes d’action concernant :
  • La gestion prévisionnelle
  • Le recrutement
  • La séparation
  • L’intégration
  • La formation et l’employabilité
  • Le développement des carrières
  • La gestion et le développement des talents
  • La rémunération
  • Les plans de rétention et de succession
Des dispositifs logistiques :
  • La paie et l’administration du personnel
  • Les relations avec les IRP
  • Le SIRH
  • La gestion budgétaire de la fonction RH

Ainsi, la politique Ressources Humaines communique les valeurs et les attentes concernant les façons de faire, précise et met en œuvre les bonnes pratiques adaptées à l’organisation, soutient un traitement cohérent du personnel dans l’équité et la transparence, aide les managers à prendre leurs décisions.

Elle doit protéger enfin les personnes et l’organisation autant que faire se peut des pressions dues au cynisme, aux dérives comportementales, à l’opportunisme et au court terme.

La mise en œuvre d’une politique RH nécessite de s’assurer que les managers à tous les niveaux possèdent les compétences et les ressources nécessaires pour mettre en application cette politique, ses programmes et procédures et que ceux-ci seront soutenus dans leurs décisions et actions. Il s’agit bien d’un discours de preuves, l'incohérence entre discours et actes serait fatale.

La politique ressources Humaines doit pouvoir être une référence afin d’aider à esquisser de nouvelles voies, à apporter des réponses en terme de management à des questionnements concrets, à aider les équipes à anticiper et à agir avec le plus d’efficacité dans un style propre à l’entreprise, sa culture, ses valeurs et à la diversité de ses métiers.

On peut considérer que si le DRH est le gardien de la politique ainsi définie, toute la ligne hiérarchique, à commencer par le COMEX/CODIR, en est le garant dans son comportement et son action.

On ne dira jamais assez que l’efficacité en Ressources Humaines repose sur cette alliance gardien/garant et qu’elle dépend en grande partie de l’exemplarité collective du premier cercle de dirigeants, l'exemplarité individuelle de chacun étant bien entendu requise.

A ce propos il n’est pas si fréquent de voir ces questions inscrites et débattues de manière récurrente dans les COMEX/CODIR.

En voici quelques unes qui me paraissent essentielles et qui devraient être abordées collectivement avec l’équipe dirigeante :

  • Quels sont les changements internes et externes dans les activités, les métiers, qui peuvent affecter la performance future ?
  • Quel est le but de cette politique ? Comment contribue-t-elle à l’avenir de l’organisation ?
  • En quoi est elle en harmonie avec la gouvernance, la culture, les valeurs, les attentes des clients, des salariés et des parties prenantes en général ?
  • Quels sont les résultats souhaités ? Comment les mesurer ?
  • Comment nous différencie-t-elle de nos concurrents ?
  • Quels seront les effets de celle-ci sur la capacité des managers à agir ?
  • Quel est le niveau d’adhésion attendu ? Comment le mesurer ? Le sanctionner ?
  • Comment combler l’écart avec la situation actuelle ? En combien de temps ?
  • Avons-nous une approche claire du talent versus compétence ?
  • Où en est-on dans la capacité à attirer, conserver et développer ces talents ?
  • Est-on prêt à investir le temps, l’énergie, le budget nécessaire ?
  • Est-on prêt à accepter les remises en cause nécessaires et les changements d’attitude induits par la mise en œuvre de cette politique à commencer par le premier cercle ?

Pour conclure, une politique de Ressources Humaines n’est pas bonne en elle même, elle ne l’est que quand elle est au service d’une ambition collective et partagée, qu’elle tient compte de la culture, des valeurs, des métiers, de l’organisation et surtout de la maturité du management à tous les niveaux et qu’elle se traduit en actes reconnus et sanctionnés.

Vous l’avez compris, son efficacité repose sur l’engagement indéfectible du dirigeant de premier rang dans la durée, sur la qualité du tandem formé avec son DRH fondé sur une confiance et un respect réciproque, sur la cohésion du COMEX/CODIR exemplaire pour l’incarner collectivement et enfin sur l’engagement de l’ensemble de la ligne managériale en cohérence et solidaire.

Le DRH doit aussi être capable de nouer des liens forts avec ses pairs, d’être une ressource pour eux, d’être un partenaire apte à échanger et se positionner sur toute la variété des sujets de l’entreprise en parlant tous les langages et en éclairant les choix de son expertise. Le DRH ne peut pas être muet, son avis doit être exprimé et entendu.

Le passage de l’expert reconnu dans son domaine à une posture plus haute de dirigeant n’est pas chose évidente et aisée. La parole doit être audible et crédible, c’est souvent une question de comportements et d’habitudes à abandonner au profit de nouvelles attitudes à adopter tout en conservant son essentiel, des compromis certes mais sans compromission.

Etre un dirigeant reconnu et respecté suppose d’avoir bien réfléchi sur soi pour incarner une fonction régalienne avec conviction, stabilité, sérénité, énergie, humour et engagement. Celle-ci doit être une référence pour le leadership, la qualité du management, la réflexion prospective sur les organisations, reconnue comme interlocuteur disponible et fiable, source de modernité et d’innovation.

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