Pour aider un RDH à réfléchir

Crise ou rupture :

L’illusion d’une reprise de dissipe. Un monde ancien s’achève et un monde nouveau se prépare à émerger dont on aperçoit déjà certaines tendances. Les entreprises devront continuer à faire des économies dans les années à venir et certaines ne pourront pas s’accorder le luxe d’augmenter les salaires quand elles ne devront pas continuer à contracter leurs effectifs d’où le renforcement de toutes les stratégies pour optimiser la valeur de leurs employés sans parler de gérer le mécontentement social voire la colère.

La reconnaissance de la gestion des talents deviendra de plus en plus un processus métier clé avec une implication nécessaire du dirigeant avec parfois un rattachement direct de cette fonction.

Il ne s’agit plus de tout miser sur une élite. Il est alors question de confiance, de liens, de valeurs partagées, d’intelligence collective des « low potential » selon une expression d’Hubert Landier…

Le vieillissement de la main d’œuvre et la pénurie de talents vont aussi obliger les entreprises à recruter parmi des sources non traditionnelles (travailleurs étrangers, jeunes de toutes générations, télétravailleurs, consultants, intérimaires, sous traitants, salariés nomades…). Toutes personnes qui ne possèdent pas les valeurs, habitudes et reflexes des équipes actuelles.

Cela signifie que les RH qui se sont souvent concentrés sur l’interne vont devoir se tourner beaucoup plus vers l’extérieur en identifiant où sont les segments critiques de main d’œuvre, en anticipant notamment les risques ou les nouvelles réglementations pour agir en conséquence, en repérant les talents potentiels externes sur un marché mondialisé, en facilitant la gestion du changement et les programmes de transition.

L’autorité :

Il y a comme une inversion dans les codes, avant on apprenait du senior, aujourd’hui le plus ancien est souvent bousculé et doit se convaincre qu’il peut apprendre du plus jeune, ce choc générationnel n’est pas simple et demande des politiques et formations adaptées. Certaines entreprises se sont déjà lancées dans des processus de « reverse mentoring ».

On le sait depuis bien longtemps, la valeur n’attend pas le nombre des années. Alors quel risque est-on vraiment prêt à prendre avec des jeunes de 30 ans pour les mettre en situation de haut management ?

L’autorité institutionnelle est souvent suspecte ou au moins nécessite d’être challengée et tout en bas dans la hiérarchie, on en sait beaucoup plus que ne le pensent certains dirigeants ! Connexions et réseaux de toutes sortes obligent.

Le modèle managérial traditionnel et hiérarchisé va progressivement disparaître au profit d’écosystèmes plus biologiques c’est à dire plus flexibles et adaptatifs dans leur fonctionnement. Intéressez vous à Tony Hsieh PDG de l'entreprise de vente de chaussures par internet Zappos.

La valeur travail :

Déjà l’histoire a vu évoluer le travail entre punition divine et remède à l’oisiveté. La tendance actuelle est au développement d’un modèle plus hédoniste en orientant le travail vers une recherche d’épanouissement voire de plaisir.

Les critères de bien être, d’équilibre personnel/professionnel, d’ambiance, de qualité relationnelle, d’environnement, de respect prennent de l’importance dans les choix des individus.

L’environnement de travail est il épanouissant ? Comment concilier les objectifs communs de l’entreprise avec les aspirations individuelles ? Comment faire cohabiter les exigences de rentabilité avec des attentes de mieux être, d’accomplissement de soi ? Comment gérer la porosité entre emploi du temps personnel et exigences professionnelles ?

Etre plus vrai :

C’est l’entreprise qui est souvent choisie. Il faut apprendre à séduire et à présenter celle-ci comme un projet de passion et une aventure humaine sans langue de bois… et surtout dans la vérité. On est trop souvent loin du compte !

Que dit on de vous sur les « Trip Advisors » de l’entreprise ?

Les gens les plus compétents et les plus talentueux surfent sur tous ces sites, quelle est votre réputation sociale et sociétale, votre e-reputation ?

Quid du style et de la sérénité de vos dirigeants dans leur communication et dans leur management, des conflits d’intérêts, des guerres de baronnies, du manque de confort physique et moral au sein de l’organisation, de l’aménagement de vos lieux de travail, de vos horaires ? Il faut sans doute garder à l’esprit que les meilleurs collaboreront et resteront tant que l’entreprise sera porteuse d’un projet collectif en convergence avec leur projet de vie personnel.

L’infidélité :

La contraction du temps et l’immédiateté bat en brèche la notion de carrière, c’est « ici et maintenant ». Le candidat d’aujourd’hui a plutôt une vision consumériste et va évaluer de manière rapide le bénéfice immédiat sur son employabilité. Inutile de vanter le parcours balisé sur plusieurs années car il ne sait pas où il sera dans deux ou trois ans, c’est un choc notamment pour l’encadrement intermédiaire qui ne comprend pas cette attitude à l’opposé de son propre parcours.

Tout cela amène l’entreprise à se confronter à l’infidélité. Ce n’est plus « sacrifice aujourd’hui » pour en récolter les fruits demain…

Le potentiel :

Apprendre à gérer du potentiel à tous les niveaux et hors statut. Apprendre à lutter contre l’élitisme et le clonage, ces maux endémiques bien français.

Un organigramme n’est qu’une structure figée incompatible avec la turbulence, la complexité, l’incertitude et le chaos du monde.

Apprendre à gérer des capacités autour d’un métier plutôt que des performances qui, comme le profit, ne sont que des conséquences et non des buts.

Apprendre à gérer de la créativité plutôt que de la productivité, demain l’entreprise vendra ses produits et services bien plus encore par la qualité et l’innovation que par le prix.

Apprendre à gérer le talent versus la compétence ce qui suppose s’intéresser beaucoup plus à la personne et à sa dynamique avec les politiques collectives et individuelles adaptées à cette logique nouvelle.

L’autonomie :

Une autonomie au delà des hiérarchies et des procédures mais dans l’interdépendance mutuelle canalisée par un projet fédérateur commun. Apprendre à gérer par les réseaux plus que par la hiérarchie, ceux qui détiennent le pouvoir devrait pouvoir s’effacer devant ceux qui font autorité, c’est un critère de l’agilité. C'est aussi avoir l’humilité d’être capable de s’entourer de personnes plus fortes et plus compétentes que soi. Un réseau c’est un ensemble de nœuds autonomes fédérés par un projet commun fort, c’est alors le projet qui tient le réseau. Quel est ce projet ? Est-il co-construit avec les équipes concernées, communiqué, expliqué, partagé ?

La mobilité :

Favoriser les outils de mobilité pour son personnel va entrainer les RH à promouvoir à terme une forme de self service auprès des collaborateurs. Ce concept pourrait s’imposer comme une norme, les transactions RH ordinaires pouvant s’effectuer par ce biais en devenant automatisées.

Ces évolutions conjuguées à la posture consommatrice vont amener les salariés et les managers à consulter à tous moments les informations RH à partir d’appareils personnels ou professionnels.

D’où certains défis assez complexes en matière d’organisation, de sécurité des informations et des accès. Il faudra s’attacher tout particulièrement à la façon dont sont fournis les services RH, leur conception, leur développement et leur mise en œuvre en gérant étroitement le rendement des systèmes, l’efficacité, les couts, et la conformité aux différentes législations et règles.

La vraie place du DRH :

Les démarches « business partner » et « client-fournisseur « se sont développées depuis dix ans pour se donner une légitimité auprès des managers mais qui sont en réalité une sorte de piège en enfermant la fonction RH dans une stricte opérationnalité quotidienne, certes nécessaire mais loin d’être suffisante pour tracer et construire l’avenir.

Il serait intéressant de s’interroger sur ses propres capacités :

  • A être un contre pouvoir ?
  • A questionner le pourquoi et le comment des politiques ?
  • A incarner une posture régalienne avec une sensibilité différente dans une gouvernance trop souvent financiarisée ?
  • A construire un couple gardien/garant où le gardien c’est une DRH forte et respectée et le garant une ligne managériale opérationnelle solidaire et engagée ?

La DRH est souvent attaquée sur sa crédibilité, il y aurait ainsi deux tendances dans l'analyse de la fonction :

  • Le « YIN » l’aspect froid des RH souvent en accord avec les objectifs financiers et à court terme de l’entreprise qui a créé une certaine distance avec ses acteurs, celle du SIRH, de la GPEC, de la ressource qu’il faut réguler, qui raffole de reporting, de tableaux, d’indicateurs qui donnent l’impression de gérer comme le directeur financier. On gérerait en fonction de l’analyse des batteries d’indicateurs fournis par l’ERP.
  • Le « YANG » qui parle un autre langage, de développement personnel, de gestion des talents, de mise en œuvre d’intelligence collective, d’individualisation des parcours, celle qui met de l’humanisme, qui parle de respect, d’exemplarité et qui suppose l’adhésion parfois peu évident de la ligne d’encadrement concentrée sur des préoccupations plus immédiates.

Tout l’art du DRH est dans l’équilibre subtil entre ces deux tendances dont la première peut s’externaliser mais pas la seconde, le dosage entre collectif et individualisation et un jeu délicat entre influence et opposition.

Dans bien des cas, il doit regagner une place qu’il a souvent perdue au profit du Directeur Financier.

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