Billet d'humeur pour de jeunes DRH

Nous pouvons vraisemblablement être d’accord sur le mot crise qui semble désormais dépassé.

C’est autre chose, presque un changement d’époque. Un monde finit lentement et un autre émerge progressivement. Les codes ont changé, nous devons revisiter beaucoup de nos principes, à commencer par notre façon de regarder, d’analyser et de comprendre ce que nous vivons et nous devons aussi revoir beaucoup de nos comportements.

N’attendez pas de sitôt des jours meilleurs, soyez prêts à remettre en cause tout un capital de croyances qui nous a fondé jusqu’à maintenant. La croissance s’essouffle, le chômage ne diminue pas, l’arrogance financière ne faiblit pas, l’inquiétude et la peur s’installent dans des organisations qui deviennent plus brutales.

Lisez Florence Aubenas, "Le quai de Ouistreham", Florence Noiville, "J’ai fait HEC et je m’en excuse", Flore Vasseur, "Comment j’ai liquidé le siècle", Delphine Le Vigan, "Les heures souterraines", ou Stéphanie Dupaix, "Brillante", pour prendre la mesure de ce que peut être le monde de l’entreprise aujourd’hui. J’ai d’ailleurs parfois du mal à le reconnaitre et je me dis que j’ai sans doute eu la chance d’avoir vécu dans un autre.

Je viens de regarder la conférence donnée en 2015 par Emmanuelle Duez sur You Tube (Positive Economy Forum Le Havre). Elle porte un regard instructif et positif sur ce monde des générations Y et bientôt des Z avec le conflit inter générationnel que tout cela sous-tend.

Je l’avais co-écrit dans une tribune des Echos récemment, l’agile va manger l’inerte. Emmanuelle nous dit que les nouvelles générations vont faire plus le pari du pourquoi que celui du comment, qu’elles voudront plus s’accomplir que réussir dans une carrière (peux-t-on d’ailleurs encore utiliser ce mot ?) aux multiples métiers.

Entendez ce que pense les Z de l’entreprise: une jungle, dure et cruelle! Une entreprise dans laquelle ils n’ont pas envie d'aller, préférant être entrepreneur d’eux même et de leur formation.

Face à ces constats, on peut raisonnablement se dire que la fonction Ressources Humaines s’est sans doute trop souvent laissé enfermer et instrumentaliser au cours de ces dernières années.

Pouvait elle faire autrement dans cet espace régi par le court terme, le résultat immédiat, la préservation des marges et la protection de sa propre survie?
Il n’y a pas de bonne réponse à cette question, ce métier ne vaut finalement que par ce que l’on est capable d’assumer, de vivre, de communiquer, et surtout de faire à un moment donné.

Je constate que le personnage fort dans les comités de direction c’est depuis un bon moment le directeur financier quand il n’est pas tout simplement le personnage clé et incontournable comme on vient de le voir chez EDF.

Il y a pourtant une vraie opportunité́ pour cette fonction Ressources Humaines qui devrait être considérée comme je l’ai dit dans une précédente publication comme une fonction régalienne.
C’est d’abord un vrai et beau métier (je n'aurai jamais imaginé en faire un autre après 35 ans à l'exercer) aux multiples facettes, qui ne s’improvise pas et qui exige de grands savoir faire sur bien des sujets complexes et délicats, "secouriste et urgentiste" nous a dit Jean-Marie Peretti...
Mais ces expertises si nécessaires ne font pas tout. Il y a une autre dimension moins visible sur les temps courts qui relève d’un certain art à construire du sens et à inventer une entreprise où l’homme serait autre chose qu’une variable d’ajustement.

C’est dans cette réflexion et les actions conduites dans le long terme que l’on voit l’efficacité du tandem Dirigeant/DRH.

Ce sont ces défis, dans un monde chamboulé, global et international que doit relever la fonction Ressources Humaines.
Les ruptures sont des périodes pénibles et incertaines qui peuvent générer certes des dégâts collatéraux mais aussi du talent.

Dans ces périodes peuvent naître des tempéraments aguerris construits dans le courage et l’exemplarité.
Ne reculez pas, dites votre vérité avec honnêteté, allez sur le terrain de la confrontation à la recherche de nouvelles voies avec pugnacité, diplomatie et humour. Elles ne s’imposeront pas d’elles même, il faut beaucoup écouter, trouver des compromis et travailler en partenariat étroit avec ceux qui font l’entreprise parfois loin des centres de décision, avec aussi les différentes parties prenantes comme l’ensemble du management et particulièrement celui de proximité.
Il faut beaucoup expérimenter et tester, accepter parfois des impasses mais ne jamais lâcher sur ses valeurs et sur un principe essentiel: vous ne gérez pas des dossiers mais des hommes qui apportent leurs ressources.

Soyez tout simplement vous même à la manœuvre en portant et incarnant votre vision inlassablement.

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